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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Une vague de charité unique au monde
n°319

Espagne

Vers 1180 – 1245

Saint Pierre Nolasque, apôtre de la liberté chrétienne

Saint Pierre Nolasque est né dans le Lauragais, en Languedoc, vers 1180. Fils d’un marchand de drap, il accompagne son père dans ses voyages en pays musulmans pour s’approvisionner en marchandises ou en vendre : il est alors ému de la détresse physique, morale et spirituelle des esclaves chrétiens, enlevés lors de razzias par les pirates musulmans et détenus au service de riches propriétaires. La tentation de l’apostasie, pour échapper à la mort, aux fers ou aux brimades, est récurrente. C’est pourquoi Pierre Nolasque fonde avec quelques compagnons de son âge un ordre chevaleresque pour le rachat des captifs tombés aux mains des musulmans. Cet ordre devient un ordre religieux en 1223, sous le nom de Notre-Dame-de-la-Merci. Le fondateur, décédé le 6 mai 1245, est canonisé par Urbain VIII en 1628.

Francisco de Zurbarán, La Vision de saint Pierre Nolasque, 1629, musée du Prado, Madrid. / © CC0 wikimedia.
Francisco de Zurbarán, La Vision de saint Pierre Nolasque, 1629, musée du Prado, Madrid. / © CC0 wikimedia.

Les raisons d'y croire :

  • Saint Pierre Nolasque a renoncé à l’état de marchand de drap, avantageux du point de vue pécuniaire, pour consacrer sa vie et ses forces au rachat des captifs chrétiens détenus en terre d’Islam. Il fonde à cette intention un ordre religieux laïc (c’est-à-dire composé d’hommes qui ne font pas partie du clergé). Ce n’est donc pas son intérêt personnel qu’il prend pour moteur de ses actions, mais la charité chrétienne : touché par la misère physique, morale et spirituelle des esclaves chrétiens, il travaille à leur rendre non seulement la liberté du corps, mais surtout la liberté de croire en Jésus-Christ et de l’aimer.
  • En agissant ainsi, il imite Jésus-Christ lui-même, qui est venu sur la terre pour arracher les hommes à l’esclavage dans lequel Satan les tenait enferrés, et leur ouvrir de nouveau les portes du paradis. Saint Pierre Nolasque a réalisé particulièrement tout au long de sa vie la sequela Christi – marcher à la suite du Christ – qui est le mot d’ordre de la vie chrétienne.
  • Saint Pierre Nolasque reproduit encore en ses actions un autre trait de la vie de Jésus-Christ, qu’il adopte comme coutume de son ordre : la pauvreté évangélique. Comme les apôtres, auxquels le Christ demande de renoncer à leur famille et à leur maison et qu’il envoie prêcher la Bonne Nouvelle du salut en leur demandant de mendier leur subsistance auprès des personnes qui les écouteront, Pierre Nolasque vend ses biens et recueille des aumônes dans la principauté de Catalogne et dans le royaume d’Aragon. Les sommes réunies composent les rançons qui servent à racheter les captifs.
  • Pierre Nolasque a d’abord réuni autour de lui, sous la forme d’un ordre militaire (ou de chevalerie), quelques compagnons qui travailleront pendant une quinzaine d’années à la noble et miséricordieuse entreprise qu’il a projetée. Mais une vision de la Vierge Marie invite Pierre Nolasque à ranger la fondation sous sa sainte protection. L’évêque de Barcelone, Bérenguer de Palou, reconnaît et approuve peu après l’ordre religieux de « Notre-Dame-de-la-Merci » pour le rachat des captifs. Les nouveaux religieux prononcent un quatrième vœu, en plus des trois traditionnels : à la chasteté, la pauvreté et l’obéissance est ajoutée la résolution de se montrer toujours joyeusement disposé à donner sa vie en échange de la liberté des esclaves, par « merci », c’est-à-dire pitié chrétienne à leur égard. Héroïsme chrétien et dévotion mariale sont donc deux caractéristiques majeures de la nouvelle congrégation, suscitées par Notre-Dame elle-même.
  • Pierre Nolasque ne prenait pas de décision sans s’en remettre au jugement de l’Église : son confesseur était saint Raymond de Penafort (vers 1175 – 1275), qui deviendra en 1238 maître général de l’ordre des Prêcheurs, fondé par saint Dominique. L’ordre des Mercédaires (appelés ainsi à partir du mot « merci ») pour le rachat des captifs a été approuvé par l’évêque de Barcelone, probablement en 1223, puis par Rome en 1235. L’inspiration de cette entreprise est ainsi authentifiée comme venant non d’une téméraire idée humaine mais de la sagesse de la Providence divine, qui conduit au fil des siècles tous les hommes jusqu’à elle, par les moyens qu’elle met en œuvre et pour lesquels elle demande à certains hommes de coopérer. Pierre Nolasque fut l’un d’eux.

Synthèse :

Saint Pierre Nolasque naît vers 1180 à Mas-Saintes-Puelles, dans le Lauragais, près de Castelnaudary. À Barcelone, où sa famille s’installe plus tard (sa famille a-t-elle fui les Albigeois ?), le jeune Pierre apprend le commerce sous la direction de son père, qui est marchand.

Il découvre durant les voyages nécessaires à l’approvisionnement et à la vente des denrées et des biens les souffrances des esclaves chrétiens détenus en pays musulmans. Les pirates musulmans majorquins, au service du pouvoir almohade, enlevaient hommes, femmes et enfants lors de razzias et les vendaient ensuite au plus offrant. Le califat almohade détient alors, autour du royaume chrétien d’Aragon, le territoire qui deviendra après sa conquête le royaume de Valence, et les îles de Majorque.

Imaginons ce qu’implique une telle condition. La captivité du corps et de l’esprit, au niveau de la vie naturelle, se double d’une captivité au plan surnaturel. Les esclaves, loin de chez eux, ne peuvent plus en effet assister aux prédications, si fréquentes à cette époque dans les églises ou les places publiques des villes des pays chrétiens, par lesquelles tous sont encouragés à travailler pour Dieu et à accomplir les activités quotidiennes en son honneur. Ils n’entendent plus les cloches sonner, qui appellent à la louange du Dieu unique en son essence (c’est-à-dire sa nature) mais trine en ses personnes. Ils ne peuvent surtout plus bénéficier des secours des sacrements : la confession sacramentelle, qui donne le pardon divin et efface les fautes commises, ne leur est plus proposée. Et la réception de la sainte Eucharistie, qui fortifie dans le combat contre le mal sous toutes ses formes ici-bas, leur devient impossible : les esclaves en auraient pourtant plus besoin encore que tout autre chrétien pour ne pas céder à la peur, à la colère et à l’abattement dans lequel leur état les jette. La communion au Dieu d’amour leur serait enfin un grand appui devant les intimidations, les brimades et les persécutions de toutes sortes que leurs nouveaux maîtres leur infligent pour leur faire apostasier la foi chrétienne et embrasser la foi de Mahomet.

Quel soulagement l’ordre naissant apporte-t-il à une telle détresse ? Le quatrième vœu oblige le religieux mercédaire à prendre la place d’un esclave chrétien, qui risque très probablement d’apostasier, ou à se livrer en otage si les ressources ne suffisent pas à payer la rançon. Les mercédaires, à la suite de leur fondateur, se posent en défenseurs intrépides de la foi. Cela vaut à saint Pierre Nolasque et à ses frères une place toute spéciale parmi les ordres religieux, y compris parmi ceux chargés du rachat des captifs chrétiens (trinitaires et diverses confréries autonomes antérieures aux mercédaires).

L’ordre de la Merci, fondé sous la règle de saint Augustin dans la cathédrale de Barcelone, probablement en 1223, en présence et avec l’autorisation de l’évêque du lieu, Berenguer de Palou, reçoit, grâce à l’intervention de Raymond de Penafort, le soutien du roi d’Aragon Jacques Ier, qui l’approuve. En 1235, le pape Grégoire IX couvre l’ordre de l’autorité pontificale par la bulle Religionis vestare, qu’Innocent IV confirme en 1245, puis de nouveau en 1246. L’ordre regroupe du vivant de saint Pierre Nolasque une centaine de religieux, répartis en quinze couvents principalement situés dans le royaume d’Aragon et dans le sud de la France (Jacques Ier est seigneur de Montpellier et comte de Roussillon, et les comtés de Comminges et de Foix, la vicomté de Carcassonne et le comté de Provence sont des terres vassales : on comprend aisément que Jacques Ier y soutient l’ordre des mercédaires). Le chiffre des établissements et des religieux est faible par rapport aux dominicains ou aux franciscains qui furent très rapidement fort nombreux, mais il faut reconnaître que la pratique du quatrième vœu ne peut attirer que des hommes d’exception, comme le montre l’histoire de l’ordre. Quand le fondateur quitte cette terre, peut-être le 6 mai 1245, l’ordre a racheté près de mille esclaves et compte déjà un protecteur au ciel : l’anglais Sérapion, qui avait reçu l’habit des mercédaires en 1222 et a été cruellement martyrisé sur une croix de Saint-André par les Barbaresques – les habitants des côtes du Maghreb actuel – le 14 novembre 1240.

La dépouille du saint fondateur est inhumée dans l’église du couvent de la Merci, à Barcelone, maison mère de l’ordre. En raison de la vénération constante manifestée à son égard, de son vivant comme après sa mort, aussi bien de la part des religieux mercédaires que de l’ensemble du peuple, la Congrégation des rites délivre en 1628, à l’issue d’un procès canonique de deux années, une « sentence de culte immémorial », que confirme, selon le processus de la béatification équipollente, le pape Urbain VIII : Pierre Nolasque est désormais officiellement compté au rang des bienheureux. En 1664, le pape Alexandre IV étend son culte à l’Église universelle et le range ainsi parmi les saints.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Au-delà des raisons d'y croire :

Les religieux mercédaires du couvent de Séville ont commandé en 1628 au peintre Francisco de Zurbaran une suite de vingt-deux toiles illustrant la vie de leur saint fondateur. Elles étaient destinées à être exposées dans le cloître du monastère. Toutes ne furent probablement pas peintes. Le désir des frères de saint Pierre Nolasque découlait autant d’un acte de piété filiale que d’un souci d’instruire de manière scientifique : les sujets représentés s’inspiraient de gravures réalisées à partir des documents réunis durant le procès de canonisation. La moitié seulement de ces tableaux a été retrouvée. Ils sont exposés dans le couvent auquel ils étaient destinés, devenu depuis le musée des Beaux-Arts de Séville. Entre autres sujets, le maître de l’école sévillane a représenté la vision qu’eut le saint de la Vierge Marie.

Zurbaran a aussi exécuté la même année, à la demande des frères, un tableau représentant le martyre de saint Sérapion. L’œuvre, qui ornait autrefois avec une autre toile, aujourd’hui disparue, la chapelle du couvent destinée à veiller les religieux défunts, se trouve au Wadsworth Atheneum d’Hartford (État du Connecticut), aux États-Unis.

La poétesse Marie Noël a publié en 1930 les Chants de la Merci (Paris, éd. Crès), dans lesquels elle fait clairement référence à l’ordre fondé par saint Pierre Nolasque. Dans le « Chant de la divine Merci », elle exalte la miséricorde de Jésus-Christ, qui a accompli le rachat des hommes par le sacrifice de la Croix. La « divine Merci » est la miséricorde de Dieu qui veut qu’aucun homme ne se perde.


Aller plus loin :

Yves Dossat, « Les Ordres de rachat. Les Mercédaires » dans Assistance et charité, Toulouse, éd. Privat, 1978, p. 365-387. (Cahiers de Fanjeaux, no 13). Disponible en ligne.


En savoir plus :

  • Pietro Cijar, Opusculum tantum quinque super commutatione votorum in redemptione captivorum, 1446. L’ouvrage a été réédité dans Vasquez, Monumenta ad historiam Ordinis de Mercede, Tolède, 1928, p. 51-60.
  • Natal Gaver :
    • Speculum fratrum ordinis beatissima Virginis Mariae de Mercede redemptionis captivorum, Valladolid, 1533. L’ouvrage a été rédigé en 1445.
    • Cathalogus Magistrorum, 1445.
  • Le texte de ces deux ouvrages se trouve dans Vasquez, ibid., p. 1-13 pour le Speculum et p. 14-37 pour le Cathalogus. Ces deux livres forment avec le précédent les sources anciennes sûres concernant la vie de saint Pierre Nolasque.
  • Guillermo Vasquez Nunez, Mercedarios ilustres, Madrid, Publicaciones del Monasterio de Poyo no 22,1966, XVet 770 p.
  • Une notice en anglais est disponible sur le site américain de l’ordre des mercédaires.
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